promenons-nous dans les bois

• " l ' a m o u r . ç a . n ' e x i s t e . p a s , u n . p e u . c o m m e . l e s . t e l e t u b b i e s . "

Il n'aurait pas du s'endormir, au moins il aurait pu lui dire de partir. Il n'aimait pas quand elles restaient le matin. Être obligé de se monter aimable, les complimenter, leur payer le petit déjeuner et prendre leur numéro, il trouvait cela profondément ennuyeux. Confortablement installé dans son lit aux dimensions disproportionnées, Caïn scrutait les moindres recoins de sa chambre qu'il connaissait par cœur bien sur. Il voulait qu'elle se réveille, là, maintenant. Qu'elle quitte ses draps, qu'elle se rhabille et qu'elle disparaisse pour toujours. En plus, à la lueur du jour et sans le masque grisant de l'alcool qui le rendait souvent beaucoup moins exigeant, elle n'était plus si jolie que ça. Caïn lui donnait à peine un quatre sur dix, et ça valait également pour sa performance de la nuit passée. Dans l'espoir de la voir quitter les bras de Morphée, il multiplia les soupirs agacés, les déplacements bruyants et alla même jusqu'à allumer sa chaine hi-fi. Pas de réaction. La secouer violemment le démangea mais il se contint : il était un Omega après tout, et même s'il courait les filles sans leur accorder la moindre importance, il avait un minimum de savoir-vivre. Il se résigna donc à ouvrir grand la fenêtre et à fumer une cigarette en contemplant la bâtiment de la sororité voisine. Quelques minutes plus tard, une petite voix nasillarde ne tarda pas à se faire entendre et il comprit dans un sentiment confus de soulagement et d'agacement qu'elle était enfin éveillée.

- Bonjour toi, susurra t-elle.
- Bonjour, répondit-il froidement, ne pouvant s'empêcher de grimacer devant la familiarité intime qu'elle s'efforçait de placer entre eux.

Il n'y pouvait rien. Parfois il se disait qu'il serait peut-être bien qu'il éprouve enfin de nobles sentiments pour l'une d'entre elle, qu'il se montre charmant, prévenant, attentionné et toutes ces conneries ... Mais il était Caïn. Et Caïn avait construit une forteresse imprenable autour de son être. Il se méfiait en permanence, d'où son désintérêt, d'où son dégout manifeste pour cette blonde un peu fadasse qui venait de se coller à lui en souriant, comme s'ils étaient l'un de ces couples mièvres et parfaitement repoussants. Il se laissa embrasser une, deux fois, puis se recula légèrement. C'était un vrai calvaire à chaque fois pour leur faire comprendre qu'elles n'étaient plus les bienvenues. Ne comprenaient-elles pas qui il était ? Sa réputation le précédait pourtant. Il y avait bien sur toujours cet infime espoir de pouvoir mettre un jour la main sur l'héritier Hamilton et ce durablement, mais il ne fallait pas rêver. D'habitude, il était magnanime et aimable mais ce matin-là, toute patience semblait l'avoir quitté. Il lui indiqua la salle de bain, puis la sortie successivement et s'enferma dans un mutisme profond jusqu'à ce qu'elle abandonne et qu'elle quitte les lieux, sans même faire un crochet par la salle de bain. Une fois seul, il put enfin respirer. Les rires de ses camarades de la fraternité lui parvinrent aux oreilles, surement au passage de la blonde et il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Déboutonnant sa chemise, il regagna son lit et tendit le bras pour attraper son agenda dans le tiroir de sa table de nuit. Sans surprise, il le trouva vide. C'était le troisième qu'on lui dérobait cette semaine. Qu'espéraient-elles trouver ? Le numéro d'une ex qu'elles pourraient menacer de mort ? Les plans des catacombes (inexistantes bien sur) de la résidence des Omega ?

- Et il faudrait que j'ouvre mon coeur à une petite garce dans son genre, soupira t-il avant de se laisser retomber mollement sur le matelas.

• " t u . s a i s . y ' a . u n e . f i l l e . d a n s . m a . s o r o r i t é . e l l e . e s t . a m o u r e u s e . d e . t o i . . j e . l u i . a i . d i t q u e . t ' é t a i s . u n . m o n s t r e . e g o c e n t r i q u e . e t . i n s e n s i b l e . e t . q u e . t u . l a . t r o u v e r a i s . s u r e m e n t . l a i d e . e l l e . a . d i t . q u ' e l l e . s e . f e r a i t . u n e . m a m o p l a s t i e . "

- J'ai été admise chez les Zeta Beta, tu es content j'imagine.
- C'est normal. C'est la meilleure sororité. Mais ne les laisse pas te rabaisser, tu es ma sœur après tout.
- On me lèche déjà les bottes pour ça à vrai dire. Je suis certaine que dans quelques années je deviendrais leur chef à toutes ces idiotes.
- C'est comme ça que tu traites tes sœurs ? fit-il remarquer dans un sourire moqueur.
- Tu parles ! Elles m'adressent seulement la parole parce qu'elles pensent que je distribue des laisser-passer pour ton lit.

Caïn ébouriffa les cheveux de sa petite sœur pour la faire taire puis reporta son regard au loin. Il se sentait bien, là, sur le toit, les yeux rivés sur le soleil couchant, en compagnie du seul être aussi détestable que lui. Ils passaient leur temps à se chamailler, il tentait d'imposer son autorité d'ainé, elle l'envoyait bien vite paitre et ils continuaient ainsi inlassablement mais ils avaient énormément d'affection l'un pour l'autre. Caïn ne tenait pas à grand chose mais Georgie était ce qu'il avait de plus précieux au monde, même si c'était une petite peste. Elle avait beau le critiquer ouvertement, il savait qu'il était une sorte de mentor pour elle alors il se sentait responsable. A croire qu'il aimait ça les responsabilités ... autant qu'il les fuyait.

- Au fait tu savais que Robinson des Kappa Tau me trouvais carrément canon ?
- N'y pense même pas, répliqua t-il en lui infligeant un regard glacial.
- Tu démarres vraiment au quart de tour ! dit-elle en riant. Il faut absolument que je me dégote un régulier chez les Kappa, pour le simple plaisir de te voir enrager.
- Si tu essayes de me faire comprendre par là que tu fais un complexe et que tu éprouves des sentiments incestueux pour ton propre frère, laisse moi te dire que c'est tout à fait exclu pour moi, répondit-il, amusé.
- Tu es ignoble.
- Moi aussi je t'aime.